
Dans la langue française, nombreuses sont les expressions imagées puisant leurs références dans des sources antiques ; le “nœud gordien” ne fait pas exception. On emploie cette métaphore de nos jours pour désigner un problème insoluble en apparence, où aucune solution ne semble être possible. Par extension, “trancher le nœud gordien” est utilisé lorsqu’une solution est trouvée pour résoudre cette extrême difficulté, non sans avoir recours à des méthodes radicales.
Cette expression est directement liée à un épisode célèbre de l’épopée d’Alexandre le Grand (356-323 av. J.-C.). Au VIIIe siècle avant notre ère, le Phrygien Gordias, tandis qu’il labourait son champ, vit se poser sur sa charrue un aigle qui y resta perché la journée entière. Il interpréta cette scène comme un signe du dieu Zeus. Il se rendit à Telmessos [1], ville dans laquelle les habitants sont réputés pour leur don de clairvoyance, afin de comprendre ce à quoi il venait d’assister. Une fois arrivé, une jeune fille lui enjoint d’offrir un sacrifice à Zeus pour honorer ce signe. Ci-tôt fait, il épousa cette dernière qui lui donna un fils, Midas. Son fils devenu adulte, Gordias entreprit de retourner vers sa patrie, la Phrygie. Celle-ci était alors en proie à des querelles de succession, ces derniers ne sachant qui placer à la tête du royaume. Un oracle leur annonça que leur roi leur viendrait dans une charrette. C’est alors qu’apparut Gordias, accompagné de sa famille, sur ledit véhicule. Devenu roi, il fonda la ville de Gordion, et sera succédé par son fils après sa mort. Pour honorer son père et la prophétie, Midas plaça son char sur l’acropole. Une corde fut solidement nouée entre le timon et le joug de la charrette, si bien qu’on ne pouvait en voir les extrémités. Selon la légende, quiconque arriverait à le défaire deviendrait roi de l’Asie entière.
La légende perdure jusqu’au IVe siècle avant J.-C., période au cours de laquelle Alexandre le Grand marche sur l’empire Perse. En -333, le jeune roi de Macédoine débarque dans la ville de Gordion. Fasciné par les histoires locales entourant le fameux char et son nœud inextricable, il se rend dans le temple de Zeus où ce dernier est exposé. Après avoir tenté de trouver la solution, Alexandre sort son épée et tranche purement et simplement le lien [2]. Par ce geste hautement symbolique, Alexandre le Grand montre à tous sa légitimité sur l’Asie mineure qu’il s’empresse de conquérir [3].
Notes :
[1] Ville antique située dans l’ancienne Lycie, en Turquie actuelle.
[2] Une autre version de la légende veut qu’Alexandre le Grand ait réussi à dénouer le lien sans en venir à bout avec son épée.
[3] L’épisode du noeud gordien tranché par Alexandre le Grand fut retracée par le chroniqueur Diodore de Sicile (Ier siècle av. J.-C.) et Aristobule de Cassandréia (IIIe siècle av. J.-C.), contemporain du conquérant grec.
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