Les détails de l'art

Jacques-Louis DAVID : Bonaparte inscrit à jamais dans la roche.

Dans l’histoire de France, s’il faut retenir une personnalité pour qui l’art a grandement participé à la création de son propre mythe, c’est bien Napoléon Bonaparte. Bien avant son sacre impérial, le 2 décembre 1804, ce militaire corse à l’ascension politique exceptionnelle était déjà l’objet de toute une campagne de glorification. L’œuvre de Jacques-Louis David, intitulée Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard (1800), en est l’exemple le plus marquant.

Commandée par le roi d’Espagne Charles IV, qui comptait alors parmi les rares alliés de la France post-révolutionnaire, cette œuvre, à mi-chemin entre le portrait équestre et la représentation historique, dépeint la traversée des Alpes par le Premier Consul Bonaparte et ses troupes, en route pour Marengo. Dans le contexte de la Guerre de la Deuxième Coalition et de la Campagne d’Italie (1799-1800), ce dernier y remporte une victoire stratégique décisive contre les Autrichiens.

Jacques-Louis David use sur cette toile de plusieurs éléments typiques de la représentation magnifiée et glorieuse. A l’instar des portraits équestres de monarques tels que ceux de Charles Quint (Van Dyck, Portrait de Charles Quint, v. 1620) et de Louis XIV (Charles Le Brun, Portrait équestre de Louis XIV, 1668), Napoléon est présenté en homme calme et conquérant sur un cheval fougueux et cabré à l’extrême. Le bras droit tendu pointant vers les monts – et par là même le chemin à suivre –, illustre le meneur d’hommes, hommes représentés en arrière-plan.

Mais le peintre, en plus de cette symbolique connue et largement employée dans l’art pictural, intègre également de manière dissimulée de petits indices savants afin de magnifier davantage le chef de guerre. Au premier-plan, sur des roches aux pieds du cheval de Bonaparte, sont inscrits les noms de deux illustres personnalités historiques : Charlemagne et Hannibal Barca. Le premier est signifié via sa version latine, Karolus Magnus, tandis que celui d’Hannibal, à moitié éclipsé par la bordure du tableau, est gravé via une typographie plus commune.

Avec ces inscriptions, Jacques-Louis David fait directement référence à deux événements célèbres de l’histoire : le rocambolesque passage des Alpes par les Carthaginois à dos d’éléphants lors de la Deuxième Guerre Punique (218-202 av. J.-C.), et la traversée de ces mêmes chaînes montagneuses par les armées de Charlemagne en 773, dans le contexte de la guerre contre les rois des Lombards.

Le peintre inclut sur une troisième roche le nom de « Bonaparte », au-dessus des deux autres. Par ce procédé, il met sur un pied d’égalité le Premier Consul et les illustres Charlemagne et Hannibal, qui, avant lui, avaient réussi l’exploit de cette traversée, jugée quasi-impossible. Son nom à jamais gravé dans la roche aux côtés de ces deux derniers, Napoléon, par son intrépidité et son esprit conquérant, fait dès lors partie des plus grands.

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